Michel Demeuldre raconte : les polyphonies : 01 : l’Albanie

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Aujourd’hui, nous explorons l’Albanie du Sud

Michel Demeuldre commence une nouvelle série pour Djiboutik avec son compère Thierry Noville: les polyphonies

De mon point de vue, le pays européen qui dispose de traditions polyphoniques les plus riches et les plus originales, notamment « l’iso-polyphonie » (l’ »Ison » bourdon continu, présent dans l’antiquité, puis dans le chant byzantin)est l’Albanie. Ces magnifiques architectures sonores sont aussi bien vocales qu’instrumentales.

Cet art de la coopération musicale est pratiqué surtout dans l’Albanie du Sud, en particulier chez les Tosques (iso-polyphonies « horizontales « présentes aussi chez les Arabërësh réfugiés, fuyant l’avancée ottomane au XIVème siècle en Calabre) et les Labs (polyphonies « verticales » les plus élaborées) qui se trouvent à cheval sur la frontière albano-grecque, plus précisément labo-épirote. Les chants funèbres et les lamentations sont très anciens, Ismaël Kadaré pense que les chants de Sirènes qui attiraient les marins n’étaient-autres que ces polyphonies de la côte, interprétées par des femmes.

Les chants épiques des Akrites, ces guerriers paysans(comme plus tard les cosaques de l’empire des tsars) gardiens des marges de l’Empire byzantin (akra=limites, frontières) étaient pour la plupart des « Arvanites » appellation des Albanais en grec sous les empereurs Paléologues (13e siècle). On distinguait alors l’Illyrie au Nord (peuplée des Albanais de langue guègue, aujourd’hui les Kosovars et populations albanaises, majoritairement musulmanes, à l’ouest de la Macédoine et au sud de la Serbie. Sans doute pour cette raison (l’Islam), ils n’ont pas de tradition polyphonique.

Sous l’Empire ottoman, pour éviter d’être accablés d’impôts, beaucoup de paysans, surtout chrétiens (les non-musulmans devaient payer un impôt supplémentaire) gagnèrent les montagnes et devinrent soit des hors-la-loi (paranomi) dont les chants épiques, tsamika, klephtika, et autres demotika, narraient leurs exploits et leur héroïsme (les Klephtes, « voleurs » « haïdouks » en turc, pouvaient devenir des mercenaires au service des Ottomans, « les Armatoles ». Le plus fameux Ali Pacha se rebella et travailla « pour son propre compte.

Tout comme Skanderbeg (Gjergj Kastrioti) le janissaire (esclave-soldat chrétien devenu gouverneur ottoman puis héros de l’indépendance (sur le square Prévost-Delaunay à Schaerbeek la statue de Skanderbeg a 50ans et est un haut lieu des « Albelges »).

Les rebelles descendus des montagnes de Thrace s’appelaient des zeibekides et furent à l’origine de la dance Zeibekiko . Il semble bien que les Byzantins furent en partie à l’origine de quelques techniques vocales chorales, ne serait-ce que le bourdon (« ison ») qu’on retrouve notamment dans les polyphonies bulgares et russes.

J’aurai l’occasion de vous narrer les paradoxes de l’histoire passionnante des janissaires, des bektashis et des « rebelles policiers-héros » puis des Chams et de leurs tribulations et résilience ainsi que des « Albelges » (>60.000) dont Schaarbeek est le centre (en particulier le parc Josaphat et la statue de leur héros Skanderbeg.

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