Canta! Concours de la chanson latino américaine.
décembre 4, 2009 6:39 Case d'écoute, chroniqueCes deux émissions ont été consacrées au concours de la chanson populaire latino américaine.
• Dans la première, nous recevons, Constanza Guzman et Maria Antonia Sabater, deux des participantes aux concours et parlons avec elles de la vie des musiciens latino-américains en Belgique.
• Dans la deuxième, nous nous focalisons sur le festival en lui-même avec Edison Guzman, membre du jury, et Luis Guzman, coordinateur artistique du festival.
Ci dessous, retrouvez la chronique complète du concour:
Coup de projecteur sur une musique vivante.
Il m’était déjà arrivé d’assister a un concours de musique en Amérique Latine. C’était le “Festival De Las Orquestas” durant le carnaval de Barranquilla en Colombie. C’était impressionant de voir défiler une série de groupes, du plus inconnu au plus révéré. Oui même les plus grandes stars de la région, même un chanteur dont la réputation a franchement dépassé les frontières du pays, du continent même, participèrent avec tout leur coeur à ce concours. La diversité musicale était incroyable pour un concours régional comme celui-là. Je n’ai jamais su les résultats, sans doute qu’ils furent publié dans la presse du lendemains. Peu importe, le principal fut de sentir le plaisir des musiciens à pouvoir se présenter sur une grande scène, ici un stade, sentir le plaisir et aussi l’attente par rapport à ce que pourrait apporter un prix dans une carrière musicale. Il ne s’agît pas, je crois, de planifier enregistrement de CD et d’organiser la tournée mondiale, mais surtout, de pouvoir se faire entendre, de pouvoir s’exprimer. C’est quand même ça le but de l’artiste, non?
C’est en tout cas, ce qui ressort de ce que m’ont dit les participants au concours “Canta!” organisé par la Maison de l’Amérique Latine au théâtre Molière. “On est là pour partager la joie”, “Nous avons un message à vous délivrer”, “Nous sommes là pour porter haut les couleurs de notre pays!”. Chacun a sa propre motivation pour venir se présenter sur la scène du concours, mais dans l’ensemble ils y sont tous pour parler de leur situation, de leur parcours, de leur vie.
De tous les horizons latinos et même plus
C’est sans doute pour ça qu’ils étaient nombreux à se présenter au concours “Canta!”. En effet 15 formations avaient été sélectionnées sur l’écoute d’une chanson et sûrement qu’il y en avait encore plus, intérressées à l’idée de ce faire connaître lors de ce tremplin. Des formations de toutes sortes, de tous les horizons latinos, jusqu’au frontière même de ceux-ci, “Son Da Republika”, par exemple, n’apporte que quelques mots en espagnol et un percussioniste d’amérique latine dans ses valises. Ca démontre bien le grand mélange que devient la musique. Des musiciens latino-américain arrivent, des musiciens européens les accueillent, la musique vie et évolue comme ça depuis toujours. D’abord de village en village, puis de pays en pays et maintenant de continent en continent. “il ya de fortes influences européennes dans tous les projets que nous pouvons voir ici” nous a dit Silvia Abalos, la présidente du jury.
En dehors de ces influences, nous avons la chance également de nous apercevoir de la grandes diversité des sources, la diversité incroyablement riche de l’Amérique Latine. Qu’a à voir une jeune colombien débarqué à Paris avec un musicien espagnol d’âge mûr de formation classique? Les langues latines “… et Don Ramon!!” (le héro d’“El Chavo del Ocho” une série télévisée populaire dans toute l’Amérique Latine) me dit ce même jeune colombien. L’image monolitique que peut avoir le continent aux yeux de certains européens en prend un sacré coups! Mais c’est drôle quand même aussi de voir que certains clichés nationaux persistent quand on intérroge plus profondément les artistes de ce concours: L’exhuberence quasi mystique des brésiliens, l’élégante retenue des andins, l’énergie des mexicains, le caractère des cubains, la bonhommie des colombiens, on pourrait continuer comme ça longtemps… L’artiste n’est-il pas le receptacle des émotions de son environement? Transmettant ses dernières avec tout son cœur…
Samedi
Le samedi, nous sommes accueilli par les percussions du groupe Ka-ndombe. Une bonne idée ça: à peine arrivé dans le quartier, avant même d’apercevoir âme qui vive, nous proviennent ces rythmes démultipliés par les hauts bâtiments du square du Bastion. Impressionant! Ils nous emmènent vers le théâtre des opérations et s’installent sur scène pour quelques chansons en guise d’introduction. Autant dire qu’ils chauffent bien le public!
Après les quelques mots d’introduction d’usage, le concours peux enfin commencer. Les présentateurs encore froids – mais cela ne vas pas durer! – prennent leurs marques. Les premiers prétendants au podium peuvent enfin s’avancer. Je ne sais pas comment l’ordre de passage du concours a été décidé mais c’est une drôle d’idée que de débuter par le groupe d’Henri Greindl. En effet, nous n’étions pas prêt à se laisser emporter par leur bossa lyrique tout en nuances jazzy délicates et constructions avant gardistes. Qu’à cela ne tiennent, le trio est très proffessionnel et convaincra le jury.
J’ai la chance de rencontrer la meneuse d’hommes cubaine Maria Antonia Sabater juste avant sa prestation. Nerveuse mais très décidée, elle m’explique que “ce concours est une excellente opportunité pour le nouveau projet, formé il y a à peine 2 mois” et dans lequelle elle va pouvoir enfin chanter ses propres compositions. Effectivement, beaucoup de groupes qui se présenteront ce week end seront dans une situation similaire: des musiciens qui se rassemblent spécialement pour l’occasion ou qui en profitent pour démarer un vrai projet ou encore qui composent une chansons uniquement pour le festival. Qui sait si ces formations éphémères dureront? En tout cas, si elles persistent, le festival aura au moins eut le mérite d’en être le détonateur! La chanteuse cubaine s’en sort bien – hélas mieux que le jour suivant. Sa composition, un précipité de “son” et de “pop” tout en break abrupt, est rondement menée par cette cubaine blonde comme les blés en été et au caractère bien trempé. Voilà une voix qui devrait faire son du chemin!
L’avantage de ce concours pour le public c’est que tous les univers ce cotoient et que chaque prestation est une surprise et un contraste frappant avec le précédent. On change donc complètement d’athmosphère avec Constanza Guzmán. Cette auteur-compositrice est née en Belgique mais a vécu sa prime jeunesse au Chili, pays d’origine de ses parents. On sent, dans ce qu’elle dit et dans ce quelle nous donne à voir sur scène, qu’elle est tiraillée entre ces deux cultures. “Mes textes sont chiliens, je pense au poêtes que j’aime de là-bas, mais dans la manière universelle qu’ils ont d’aborder des thématiques spécifiques du Chili”. Chant extatique en espagnol accompagné d’un piano tranquille et féminin, le tout coloré d’un violon impressioniste, la salle s’émeut.
Son da Republika est un collectif formé spécialement pour l’occasion et le rassemblement éclectique de musiciens, plus enthousiastes que professionnels, très divers. On se réjouit de voir cette fraiche énergie collective qui s’ébroue joyeusement, mais le manque d’expérience bride sérieusement leur potentiel.
C’est un homme seul qui suit, Adrian Vélez, juste accompagné de sa fidèle guitare. La fraicheur de la jeunesse, le naturel confondant (que même le déclanchement intempestif des alarmes d’incendie ne perturbera pas) conquiert la salle et le jury. Ce pop-rock accoustique aux accents latins nous rappelle de loin un Juanes plus humble.
On se téléporte à nouveau dans un univers particullier avec les jeunes de Madera Suena. C’est à Paris qu’on se retrouve alors. A Paris où ce sont rencontrés ces jeunes latino-américains. “Je suis content de mon choix d’avoir bougé vers l’Europe, jamais dans mon pays je n’aurais pu rencontrer les musiciens du groupe, un chilien, un bolivien, un péruvien, et un brésilien, et on s’apprend mutuellement plein de choses!” nous dit le colombien meneur de cette joyeuse bande. Leur musique embalante manque pourtant encore d’un peu de maturation. Bravo pour l’expérience de fusion, mais pourvu qu’elle ne soit pas ni trop chargée ni trop pédagogique.
La proposition suivante sera la plus traditionnelle de ce à quoi on peut s’attendre à ce concours. Il faut entendre par là: “on s’y croirait”. On se croirait en Equateur dans un bon restaurant où l’accompagnement musical digestif (genre prisé en Amérique Latine) serait soigné aux petits oignons. Edison Pérez nous interprête une ballade romantique authentique aux très légères éfluves andines. “mon expérience est faite d’interprètations des grands noms de la chanson romantique d’Amérique Latine, mais ceci est ma première composition personnelle”. Le jury, plus porté sur la nouveauté que sur la tradition ne retiendra pas cette proposition.
Alors vient l’entracte, pause bienvenue pour reposer nos oreilles et pour vous parler d’une facette du festival pas encore abordée dans cet article. En effet, si ce festival célèbre les musiciens latino-américains, il est aussi une fête pour les collaborateurs de la Maison de l’Amérique Latine, l’association organisatrice. Ainsi on aurra l’occasion, entre les concerts, d’assister, de presque participer, à de cours et hilarants sketchs joués par les participant de l’ateliers “théâtre” de la maison de l’Amérique Latine, une excellente idée! Le foyer du théâtre sera également animé par les musiciens de “Patagonia Express”, groupe réunissant presque exclusiment des collaborateurs de la Maison de l’Amérique Latine. Nous entrons ainsi dans l’univers de cette association d’une jolie manière. Et voir le boss mettre la main a la pâte en fabricant à la chaine les mojitos et autres cocktails colorés n’était pas la pire image que l’association pouvait montrer d’elle même! Bravo!
On va commencer fort pour la deuxième partie du concours, c’est du lourd! Carolina Rimoli est une chanteuse brésilienne qui a déjà une jolie carrière de scène derrière elle. Elle réunit une belle brochette de musiciens brésiliens. Enfin, le brésil est tellement gigantesque, que Carolina se fait un devoir de présicer de quelle partie du sous-continent vient chaque musicien. Sur scène, on assiste à un show extravaguant (enfin, à la mesure de la petite salle), dont on soulignera la présence d’une solide section rythmique (4 percussioniste quand même). La chanson est finement arrangée et efficacement exécutée. Une formation qui détonne donc par son grand proffessionalisme.
Maria Lilia Laguna vient nous faire connaître une facette de la musique argentine peu présentée. En effet, point de tango ni de milonga ce soir pour cette sympathique chanteuse qui profite de son passage en Belgique pour participer au concours, mais de la musique de la campagne du nord de l’Argentine. “J’ai autant appris la musique dans ma famille qu’à l’école. Mon père était mélomane et ma mère m’a initié au folklore argentin. Tandis que d’autre part j’ai étudier au collège péruvien où l’éssentiel du répertoire venait évidement du Pérou.”. Un beau panaché d’influences que l’on n’entendra que de manière sous jacente, car Maria Lilia nous interprête du folklore très proche des racines mais à la manière d’une chanteuse folk très actuelle.
La proposition qui suivra, sera à mon sens, la plus intriguante du lot. José Miguel Arranz, chanteur lyrique de formation, espagnol de nationalité, nous fait le pari de mêler harmonie de grande musique classique avec chanson populaire latino-américaine. Si le résultat n’est pas complêtement à la hauteur, la tentative mérite d’être creusé encore, car le filon n’est pas loin! Les ingrédients sont là, loins des brouets pompeux qu’on a l’habitude d’entendre dans ce genre, c’est dans les timbres de voix étonnants que l’on perçoit la beauté du projet.
Hmmm, Fabinho, tout un poème! L’exhubérence brésilienne et moite incarnée! Sur scène, il tentera de nous planter le décors de la folie rythmique des rues des grandes villes. Mais une athmosphère comme celle-là est difficile à insinuer en 5 minute, surtout face à une salle assise (un handicap difficile à surmonter pour quelques formations de ce concours. Une grande majorité des musiques latines ayant quand même pour but de danser, non?). “Nous sommes là pour partager, pour apporter la joie!”. Si sa musique serait entrainante sur la longueur, elle fait peu de cas de la finesse et de l’harmonie. C’est un choix.
Le Duo Pepe y Mary existe depuis plus de 25 ans, ce dont peu d’entre nous s’était aperçu. Peu importe, ils continuent à chanter sans relâche leurs compositions poétiques. “Nous écrivons de la poésie et nous la mettons en musique, dans ce sens nous nous sentons proche de la “Trova” (mouvement musical renouvellant la chanson à texte en Amlérique Latine dans les année 70 et 80)”. Malheureusement, je n’ai pas eu l’occasion d’assister à l’interprêtation de leur chanson “América mi américa”.
Ceux qui viennent avec un tube comme “Borrachón”, aussi évident mélodiquement pour un européen que pour un latino et avec un thème fédérateur (l’alcolisme), ont bien des chances de se faire remarquer. Si, en plus, ils ont l’expérience scènique de Xaman-ek, c’est clair que la concurence aura fort à faire pour surpasser ça! C’est avec un grand aise que les deux frères chiliens exécute leur chanson. Leur “hymne” pourrait-on dire à entendre comment le public réagit fortement à la musique et au texte. J’entend derrière moi des femmes latino-américaines approuver avec enthousiasme les paroles. J’imagine que nombre d’entre elles ont du connaître un mari, un père, un frère ou un collègue alcoliques et tout le drame qui va avec. “Notre musique est un mélange de la culture de nos parents, de nos grands parents et des jeunes de toutes nationalités que nous avons rencontré ici.” Et, effectivement, ils nous donnent à entendre une cumbia-pop accoustique, pas loin d’un Sergent Garcia mais en plus authentique.
La dernière proposition de ce concours coloré mérite une attention particulière. Colectivo Palo Mulato s’est formé spécialement pour l’occasion, regroupant des musiciens de diverses formations. Comment jouer du “Son Jarocho” (rythme mexicain) avec une énergie casi punk? Demandez-leur, mais je pense que leur jeunesse y est pour quelque chose. Leur enthousiasme aussi! Et les mouvements pelvien zapateo-rock’n’roll du chanteur également! “L’important dans la musique, ce ne sont pas les racines, mais ce qui te fait battre le cœur plus vite, la pulsation, c’est ça le rythme!” me dit le leader du collectif, si vous vous rappelez bien, celui qui, accroché à son charango (sorte de ukulélé latino-américain), bougeait de la crinière tel un fan de hard rock! Une proposition très enthousiasmante donc par des jeunes qui ont des choses à nous dire.
Ainsi se termine le concours en soi. Soit un bel instantané de ce qui se joue comme musiques latino-américaines (et assimilées) en Belgique (et en Europe même, puisque certains candidats débarquaient de pays voisins). Un regard éclairant sur la vie d’une culture qui évolue en direct sous nos yeux.
La salsa féminine n’est pas absolument différente de la salsa masculine, c’est ce que nous démontre Leticia y su Rumbadama de fort jolie manière en conclusion de cette journée riche en plaisirs divers.
Dimanche
Le lendemain, rebellote, nous avons droit à un artiste en ouverture, la prestation des 7 formations sélectionnées et un artsite confirmé en fermeture.
Pour ouvrir donc, Veritango, le trio tango d’Alfredo Marcucci. Oui enfin, si Alfredo Marcucci était là! Le vieil homme étant hélas en convalescence, il sera assez bien remplacé par un de ces ex-accolytes. Du tango à l’ancienne pour commencer et du Astor Piazzola (ça en devient incontournable) pour fermer le concert, c’est un joli récital de bandonéiste, pianiste et contrebassiste (ce dernier dont on n’oubliera pas la truculence de si tôt!).
En parlant de comique, il faut noter que les présentateurs (une hispanophone/francophone et un néerlandophone) ont trouvé leur vitesse de croisière depuis la veille, c’est amusant mais parfois aussi un peu envahissant.
C’est au tours des 7 artistes sélectionés de se présenter pour la deuxième fois sur la scène officielle du concours, cette fois-ci afin de permettre au jury de déterminer les 3 prix officielle et au public de choisir son favoris.
Les sélectionés:
Henri Greindl
Maria Antonia Sabater
Constanza Guzmán
Adrian Vélez
Carolina Rimoli
Xaman-ek
Colectivo Palo Mulato
Les prestations de ceux-ci connaissent des fortunes diverses suivant les conditions techniques et la fraicheur des musiciens. Cela aura sans doute hélas une influence sur le jury.
Les Xaman-ek, non content d’avoir déjà une grande chance d’accéder au podium, enfonce le clou en nous apportant sur scène leur arme secrète, une arme de séduction massive, une arme casi déloyale! A savoir: une (très) mignone choriste et, par ailleurs, petite sœur des deux chanteurs. Il n’en fallait pas plus pour conquérir, le public masculin, le public féminin étant déjà franchement séduit (voir leur première prestation) et obtenir un vrai triomphe!
Triomphe récompensé par, non seulement le prix du public, mais aussi, puisqu’ils ne font pas les choses à moitié, le premier prix du concours! C’était franchement mérité et on attend avec impacience la sortie prochaine de leur futur CD, dont le pactole récolté ici aidera sûrement à la réalisation.
C’est le groupe d’Henri Greindl qui repartira avec le deuxième prix et Carolina Rimoli qui se satisfera d’un troisième prix amplement mérité.
Ce weekend bien rempli se terminera par le concert de Osman Martins et son groupe (soit pratiquement toute sa famille!). Entre bossa nova et samba légère, la finesse et l’entrain du musicien brésilien ajoutera, s’il en fallait vraiment encore, une nouvelle note à la gamme de séduction qu’offre la musique latino-américaine d’aujourd’hui.
Dans l’ensemble, c’est une belle surprise que nous a offert la Maison de l’Amérqiue Latine ce weekend-là: une organisation chaleureuse et pratiquement sans faille et une tenue technique franchement bonne en regard du défit que représente la prestation en un weekend de pratiquement 20 groupes musicaux sur la même scène. Le public a répondu présent en masse et il est difficile d’imaginer qu’il soit déçu!
Premier prix: Xaman-Ek
Deuxième prix: Henri Greindl
Troisième prix: Carolina Rimoli
Prix du public: Xaman-Ek
Hubert de Jamblinne