Faisons le pozol et pas la guerre
mai 2, 2016 12:24 chronique, ContactC’est une boisson typique, très appréciée au Chiapas et dans l’Etat de Tabasco. Ses ingrédients de base sont le maïs et l’eau, et dans les régions chaudes on le mélange aussi au cacao, ce qui le rend d’autant plus savoureux. On y ajoute du sucre, et de la cannelle. Il ne nous a pas fallu longtemps pour dénicher, à San Cristobal de Las Casas, ville d’altitude, les lieux où on en consomme, tandis que dans la vallée, plus bas, il y en a pléthore, pas toujours de qualité égale. Rencontre avec quelques artisans et amateurs de cette boisson traditionnelle qui, en plus d’être nutritive, crée cette convivialité propre au Sud-Est du Mexique.
A 9h00, le lieu « Las Jícaras » commence la préparation de ce qui lui permettra de faire sa journée: entre 40 et 50 litres de breuvage. A 10h00 c’est prêt, mais ça doit reposer, un peu. William, et sa compagne Sol ont ouvert le lieu il y a deux ans, et ils vendent du pozol toute l’année. Leur carte n’est pas excessivement fournie, mais le pozol est un petit plus, qui les a aidés à constituer leur clientèle. Ils ne vendent d’ailleurs, comme autre boisson, que la « jamaica », ou jus de fleur d’hibiscus, boisson aussi très répandue. Pas de softs, ce qui étonne parfois les clients. Mais « ça fait partie de nos envies, vendre des produits sains, et accessibles », explique William.
La clientèle, assez variée, vient s’attabler, entre 10 et 16h00, passant du petit-déjeuner au repas de midi, qui tous deux, se prennent assez tard, au Mexique. Parfois des personnes, seules, s’arrêtent juste le temps d’un pozol. Des groupes mêmes, ouvriers ou employés en général, mais aussi intellectuels, taillent la bavette au rythme du pozol, qui joue le rôle tantôt de pause café et tantôt d’apéritif. La « jícara », sorte de bol naturel dans lequel on sert le précieux liquide est tirée d’un fruit qu’on fait sécher, portant le nom de « Morro ». « Pas de bol en plastique, de préférence », nous dit William : « la jícara peut aussi se partager, ce qui n’est pas le cas de la tasse de café ».
Les marchés, qu’ils soient situés dans les villes des hauteurs, ou dans la vallée sont un lieu idéal pour goûter le pozol. Lieux de passage, d’échanges, de rencontres. Tandis qu’à Chiapa de Corzo, ville très touristique, on vend du pozol à tous les coins de rue, dans la Capitale, Tuxtla, le marché du 5 mai est le lieu par excellence qui réunit les amateurs. Entre 12 et 14h00 c’est l’heure de pointe, une frénésie s’empare des gens qui viennent s’agglutiner autour des « postes » de pozol richement pourvus en amuses-gueules divers : mangue aux piments, concombres ou encore piments découpés et macérés dans du citron, pour finir avec le « dulce de calabassa » (douceur de calebasse). Nous sommes assis au comptoir de Dona Elisabeth, une vétérane du pozol. Elle en vend depuis 25 ans et sait vanter la fraîcheur de sa marchandise : « nous faisons de petites quantités, et tout ce qui est fait est vendu le jour même ». A côté de nous sont assis Martin et Catalina, habitants de San Cristobal venus régler des affaires à la capitale.
Ils ont profité de la chaleur ambiante -doublée d’un soleil qui tape dur- pour faire une halte :« Le pozol est une boisson ancestrale dont la fonction première est de nourrir, rapidement, l’homme, qui travaille », déclare Martin. « Il est lié au travail, fait en priorité, à l’extérieur de la maison, dans les champs, ou dans la jungle » -il existe au Chiapas une région naturelle appelée jungle Lacandone, où Martin travaille parfois, il est avocat. Rares sont les amateurs de pozol qui en parlent aussi bien que lui : « Le mélange avec le cacao est lié aux routes qui existaient déjà à l’époque des Aztèques, et au parcours que suivait le cacao, originellement cultivé en majorité au Soconusco (région frontière avec le Guatemala). Ici, à Tuxtla, nous sommes dans cette vallée, celle du fleuve Grijalva, dont la source se trouve au Guatemala, et qui facilitait le contact et le transport d’un lieu à l’autre».
Vous l’aurez compris, la tradition du pozol au Chiapas ne date pas d’aujourd’hui, mais sa recette est particulière et tous ne se valent pas. Pour certains, le découvrir c’est l’adopter, tandis qu’il faudra à d’autres, un peu de temps pour s’y adapter, ou pour trouver celui qui leur plaît. Il existe divers dictons locaux liés au pozol, comme « caval tu paga, caval tu pozol », (ce que tu paye, tu l’auras en pozol) que William s’est ingénié à répertorier et à écrire sur les murs de son édifice. L’un d’entre eux, -en partie inventé celui-là- nous a enchanté : « faisons le pozol et pas la guerre ».
Aymeric Lehembre
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